La Compagnie de Blanzy effectuait le trajet entre Angers et Le Mans.
Puis, petit à petit , une lente évolution s'opérait dans le domaine des transports sonnant ainsi le déclin de la navigation fluviale et la disparition de la batellerie traditionnelle dans le transport de marchandises.
Depuis la disparation des diligences jusqu'à l'apogée de l'automobile, un nouveau moyen de communication qui paraitrait bien désuet aujourd'hui par sa lenteur, allait pourtant bouleverser la vie dans nos campagnes : un important réseau ferré d'intérêt local, rayonnant autour du Mans, allait contribuer par sa densité, à sortir de leur isolement les bourgs et les villages permettant même un développement économique nouveau. Il changeait, manifestement, la vie de tous les jours des habitants des bourgades sarthoises. Il allait porté un coup fatal à la navigation.
"Le chemin de Fer connu tout de suite une prospérité croissante, reléguant les diligences fatiguées, amenant la désertification des grandes routes, conduisant progressivement les auberges disséminées aux carrefours et dans les bourg à la fermeture. Il sonna le glas des liaisons fluviales par la rivière Sarthe, menant le marinier au chômage, augmentant la misère. Vers 1861, le transport par voie d'eau se limite dans un premier temps aux matériaux lourds : le bois, le calcaire, le marbre, le vin.
Lors de la séance du Conseil Municipal du 13 Juin 1872, Monsieur Carteret, maire de Fillé-Guécelard, et les sept conseillers municipaux de Fillé, invoquent que le déclin progressif et irréversible du trafic sur la grande route a eu pour conséquence une diminution de l'importance des bourgs placés sur son parcours. A Guécelard, cela entraîna la fermeture de deux auberges et d'un cabaret tandis que la principale auberge voyait son activité diminué de moitié" (extrait Guécelard, les ombres du passé. A Gobenceaux)
extrait du journal officiel de la République Française Lois et Décrets du 23 Septembre 1897.
(BNF Gallica)
La gare de FILLÉ était située sur la ligne LE MANS - MAYET. Cette ligne ouverte le 13 Septembre 1897 partait de la gare centrale des tramways par la sortie sud qu'elle quittait aussitôt par la droite, pour traverser la Sarthe au Pont de Fer en tournant devant l'usine à gaz. Elle desservait quatre arrêts facultatifs : LE PATIS-ST-LAZARE, L'ÉPINE, SAINT-GEORGES et LA RATERIE. Elle franchissait la Sarthe à la Raterie, entrait sur le territoire d'ALLONNES (arrêt fixe) puis elle continuait pour desservir la station de Spay près du Café de la Gare. Elle suivait quelque temps l'IC 8 et retrouvait son indépendance pour arriver à la station de FILLÉ et là, les beaux jours, elle déversait son flot de pêcheurs et de promeneurs du dimanche. (*)
Car, outre le pont ferroviaire, la petite commune de Fillé s'était dotée d'une minuscule gare confiée à l'autorité du couple Brindeau, Auxilia succédant à son mari en 1907 (*) tandis qu'un imposant château d'eau venait compléter l'ensemble.
A raison de deux trains par jour en semaine (un le matin et l'autre le soir), cette ligne Le Mans-Foulletourte-Mayet allait modifier bien des comportements puisque désormais il fallait 42 minutes seulement pour joindre la capitale du Maine à Fillé.
"En quelques mois, ce fut le tramway qui rythma la vie du village au point que la cloche d'annonce en gare de Fillé constituait La véritable horloge." confiera cent ans plus tard notre ami René "l'historien de Fillé" à un journal local.
(*) Un premier tracé avait été étudié en 1888 par le Conseil Général de la Sarthe dont le cheminement était un peut différent (voir extrait rapport du Préfet) Source Gallica Bnf.fr Bibliothèque Nationale de France.
(*) "j ai 84 ans je me souviens bien de Fillé ma grand mère Auxilia y était Chef de gare et habitait dans une partie du café de la gare chez mr Chaboche Mais tout ça est si loin" (commentaire aimablement transmis par Lulu, visiteur du blog, le 18 Juillet 2015).
Ensuite notre petit train poussif franchissait à nouveau la Sarthe sur notre joli pont de FILLÉ. La ligne rejoignait la RN 23 en suivant un chemin vicinal ordinaire jusqu'à GUÉCELARD.
photo collection particulière
Le château d'eau (que l'on voit à l'extrême droite de la photo) qui alimentait le petit train n'a disparu du paysage qu'en 1992 pour permettre la construction du lotissement du Bourdigale. Louis Harel de la Noe qui avait édifié le pont et la gare avait élevé ce château d'eau en 1897. L'édifice de forme cylindrique, reposait sur une plate-forme carrée soutenue par quatre pieds métalliques. Il était indispensable au bon fonctionnement du petit train car il alimentait en eau la chaudière à vapeur de la locomotive Blanc-Misseron. Un puits profond, situé à 43 m au dessus du niveau de la mer, remontait l'eau à l'aide d'une chaîne à godets, actionnée par une roue à main. A chaque arrêt, le chauffeur remplissait le foyer de la machine de briquettes et faisait le plein en eau à l'aide d'une gaine en toile appelée "cheminée".
Le ravitaillement était obligatoire à FILLÉ en raison de l'effort demandé à la locomotive pour monter la petite côte du Bur, en direction de Spay. En effet, cette côte sollicitait drôlement les chaudières et à cet endroit on pouvait suivre à pied le convoi tellement la pente était rude.
extrait article journal Le Maine Libre
Cette photo ci-dessus m'a été aimablement transmise par Mme Gervaise Dubourg par mail du 15/11/2020. Je la remercie ici. Elle me précise que l'homme en pantalon blanc, canotier et barbiche blanche (5ᵉ en partant de la droite) était Monsieur Mohain, instituteur à l'école publique des garçons de Fillé.
Gervaise m'a également transmis par mail en date du 13 février 2021 quelques anecdotes très intéressantes sur le petit train que desservait la gare de Fillé ; je vous invite à en prendre connaissance :
"Le petit train reliait Fillé au Mans à une époque où l’on cultivait encore le temps de vivre. Le trajet vers le Mans connaissait des montées assez raides, et lorsque le train était très chargé, il ne parvenait pas à les franchir. Les voyageurs descendaient alors et montaient à pied, en bavardant, pendant que le train escaladait la montée à vide et attendait ses voyageurs dans le haut de la côte.
C’était également le temps de la convivialité. Lorsqu’un Filléen était au Mans et se trouvait chargé d’emplettes, il les déposait dans le train en demandant à la cantonade de descendre ses sacs à Fillé, et il continuait sans plus s’en soucier à vaquer à ses occupations au Mans."
photo collection particulière
Le café de la gare à FILLÉ (actuellement Auberge du Rallye).
Par ailleurs, sur le magnifique ouvrage de Claude Wagner sur les tramways de la Sarthe, publié aux Editions de la Reinette, il est souligné à la page 72, qu'il existait des trains spéciaux : notamment la SOCIÉTÉ DES PÊCHEURS avait demandé la mise en marche de trains spéciaux à partir du 1er Juillet 1937 le samedi et le lundi de chaque semaine entre LE MANS et FILLÉ. Ce service sera assuré par la troisième automotrice.
Le samedi, par exemple, on savait que les pêcheurs arrivaient par le train montant de 8h53 et qu'il en coûtait 0,65 francs en 2ème classe pour faire le trajet en provenance du Mans.
photo collection particulière
Plan du secteur de la gare de FILLÉ, à droite le long du ruisseau du Bourdigale et à gauche, un pré... lequel pré est l'emplacement du futur groupe scolaire de FILLÉ.
Les beaux dimanches au bord de l'eau à FILLÉ, on venait donc par le train qui déversait son flot de pêcheurs et de promeneurs (vue de la Sarthe près du Pont) :
photo collection particulière
Le 5 Août 1944, lors de sa retraite, la Wehrmacht fit sauter les ponts de Saint-Georges et de la Raterie, seul celui de Saint-Georges sera reconstruit et le service ne reprendra que le 2 Juin 1945 après sa reconstruction.
La ligne s'arrêtera définitivement le 1er Novembre 1946.
Comme beaucoup nous n'avons pas connu les tramways sarthois mais les plus anciens se rappellent une époque de leur jeunesse où la qualité de vie n'était pas si médiocre.
photo collection particulière
Un enfant joue sur la plage près des iles et du passage à gué situé près du moulin de la Beunêche :
Illustration empruntée à l'ouvrage des Petits Trains de la Sarthe d'Alain de Dieuleveut et Jean Edom
Article de presse paru dans le Maine Libre du Lundi 15 Septembre 1997 relatant le 100ème anniversaire du pont ferroviaire
Ouvrage des tramways de la Sarthe du XIX° au années 2000
de Claude Wagner des éditions de la Reinette
archives de la Mairie de Fillé concernant le plan du secteur de la gare.
ouvrage des petits trains de la Sarthe d'Alain de Dieuleveut et Jean Edom - Editions Cenomane